Journal de Stephan

Quelques mois que Gilnéas a été touchée par la malédiction, il m'arrive encore d'en rêver. Cette nuit là, comme souvent j'effectuais ma ronde non loin de la mine munit de ma lampe, tout près des cerfs, j'avais la tête ailleurs, je repensais à...

Et puis, ne voyant pas d'agitation chez les animaux, tout me paraissait normal, une soirée habituellement sombre, couverte d'une légère farine de pluie, d'un froid à tout juste nous en faire fumer. Quand à moi, j'avais perdu mes dernières feuillelunes en pariant aux cartes. Les arbres bruissaient sous le souffle du vent lorsqu'un silence se révèla bruyant.

Je sentais que quelque chose n'allait pas, je me sentais épié, espionné alors j'ai commencé à mieux scruter les alentours, il me semblait que le temps avait figé une seconde plus tôt. Plus un bruit, plus de signe de vie, cerf ou corbeau...je me serai cru seul au monde sans cette sensation d'être observé.

Soudain, l'odeur de fauve humide m'intrigua et, en me tournant vers l'Est, la porte ayant cédé deux heures plus tôt, plusieurs bêtes surgirent du noir de la nuit pour me sauter dessus, seuls leurs yeux brillants d'une étincelle de rage et de violence éclairaient mon visage.

Je ne suis plus certain de ce qui s'est produit l'instant d'après, un cri, des grognements, une agression et cette morsure sur le flanc, j'ai longtemps gît là, dans la boue, au bord de l'inconscience, presque mort.

Ca me parait si loin et en même temps, j'y repense avec tant de précision que cela aurait pû être hier. Mon retrait à Darnassus m'a permis d'apprendre de moi plus que je m'en croyais capable. Aujourd'hui à Hurlevent, j'espère retrouver un semblant de vie moins casanière, moins fermé sur moi même. Sans doute me faut-il apprendre à m'ouvrir en faisant tout de même attention, avec les conseils et l'attitude de ma collègue qui semblait tout de même surprise de mon comportement, je crains devoir m'adapter aux coutumes de ces citoyens, peut-être qu'à force de côtoyer des elfes, je m'en suis drôlement rapproché.

Nuit.

Je commence à apprivoiser la Capitale humaine, les papillons qui y rodent de jour comme de nuit sont des plus étranges mais finalement inoffensif pour ce que j'ai pu en voir. Peu de danger pour moi en tout cas. Non pas que mon apprentissage me permet de me croire à l'abri des mauvaises intentions mais ne cherchant pas une confrontation directe avec les plus belliqueux, je pense que je devrais m'en tirer sans trop de mal.

Mon nouveau domicile est particulièrement chaleureux, sans doute un peu trop pour que je me sente mieux à dormir par terre sous forme féline. Je n'ai plus l'habitude de ces conforts illusoires que l'on frôle pour se séduire d'un plaisir fade et éphémère.

Les elfes m'ont ouvert les yeux sur ce que la nature, le monde peut offrir de beau, bien plus agréable qu'une sensation banale de satisfaction lors d'un repas goûtu ou autre. Cette vue sur la mer m'a rappelé Gilnéas, non pas le paysage en lui même mais plutôt l'accès que j'aurai pu avoir en nageant de longues heures, de longs jours pour atteindre ses côtes.

Et puis, je n'y pensais plus mais elle a posé le doigt sur un point que je n'avais pas abordé depuis longtemps. Le rapport à l'autre. Je me suis découvert plusieurs forces, plusieurs puissances intérieures que j'exprime seul jusqu'ici. Je sais me contrôler en toute circonstance, encore que... si j'ai ri en apprenant le malheur de cet ami à qui une perte de contrôle se déclancha en plein ébat amoureux, finissant transformé et faisant hurler sa partenaire de peur... j'ignore si finalement moi, je suis capable de mieux.

La question mérite tout de même d'être étudiée, moi qui sais maîtriser le changeforme je me fais confiance, malgré le doute qui subsiste faute d'expérience depuis cette morsure.

Enfin, les soirées de travail m'ont plu, je pense que je commence à me faire à cette idée d'habiter et vivre ainsi dans cette cité où même si j'ai peu de contact avec l'extérieur je trouve encore du monde qui sache me remettre en questionnement personnel.

Je n'aurai pas dû croire qu'agir comme un autre ferait de moi un homme meilleur.

Assez grand pour savoir que je suis le seul à pouvoir amménager ma vie de façon la plus confortable sans pour autant copier mon entourage, parce que pour eux, la méthode fonctionne.

Trop jeune pour savoir sans pour autant essayer et s'en rendre compte qu'une fois l'erreur faite. Qui pouvait savoir qu'il réagirait ainsi ? On m'avait dit que le patron était grognon et j'aurai dû savoir qu'il n'aimerait pas, sur le moment l'idée me semblait bonne et j'ai très vite changé d'avis.

Sans parler de ça, je pense que je m'en sors encore. Je n'ai pas eu à me transformer jusqu'ici et c'est très bien comme ça. Je n'ai pas envie de faire peur aux seules personnes qui me parlent, les effrayer ou je ne sais quoi d'autre. En imaginant que quelque chose de ce genre devait se produire où irais-je me réfugier ? La Cathédrale n'est l'asile que des croyants les plus fervants.

Ni le coeur à m'expliquer, ni le courage d'avouer ma faute, seulement la honte et la désolation d'avoir été si bête. Elle doit me voir comme un personnage sans caractère qui copie la personne la plus proche pour se faire vivre ou alors simplement plus d'intérêt pour quelqu'un qui ne saurait assumer sa propre personnalité. Je ne sais plus quoi penser.

Envoûtant.

Une semi perte de contrôle d'un désir sous jacent, qui guettait la fébrilité de mon esprit troublé pour se manifester. Je ne sais pas ce qui s'est passé, ou plutôt à quel moment nos rôles se sont inversés, à quel moment je devenais spectateur de moi même, agissant avec assurance et passion, prêt à démontrer que je suis maître de la situation, moi, qui n'avais jamais été ainsi.

Envoûtant, c'est ce qui s'en rapproche le plus. Je me suis senti appelé avec une telle violence que je n'ai pas su me défaire de moi même, de cette bestialité qui m'anime et réclame sa part dans mon existance, chaque jour.

Je n'ai rien compris sur le coup, comme un pantin manipulé et asservi par ce moi conscient et silencieux, son corps, ses lèvres et ce désir qui nous consumait de plus en plus lors de ce baiser furieux. Je n'aurai pas cessé, jusqu'où serions nous allés ? Aurais-je fini par me transformer d'une manière ou d'une autre, pris d'une animalité trop prononcée, ce sans même le vouloir ?

Je me découvre décisionnaire, par choix, par acceptation et par volonté d'emporter avec moi au point d'en trembler de nervosité toute la nuit, moi ou cet autre moi, qui m'habite et me hante. Muet et cloîtré dans l'ombre de mon âme. Je n'ai plus dormi, les étoiles traversaient la voile noire comme pour compter les longues heures d'attente et moi, je ne voyais plus que son visage, son regard, son sourire, je n'ai plus que le souvenir de cette sensation que j'ai ardemment envie de retrouver, partager et redécouvrir tant la surprise fût agréable.

Ces entraînements sont vraiment épuisants. S'il ne s'agissait que de ça, ils m'éloignent d'elle bien trop souvent et j'ai peur qu'elle vienne à croire que je cherche à garder ces distances entre nous.

Hier, une soirée éprouvante.
D'abord ce runique qui empestait et qui s'énerva de ne pas reçevoir l'aide du patron. Il voulait travailler là pour assurer la sécurité mais n'obtenant pas gain de cause, il s'en prit à une cliente. La garde intervena plutôt vite avec ce rouquin qui passe ses nuits à la taverne pour questionner Myriam sur tout et n'importe quoi... le travail, son prénom et même sur ses dispositions à sortir un soir.

Il rode depuis un moment, je l'avais même vu attendre près de l'eau, l'entrée de l'auberge une fois. Tobias il me semble. Cet homme semble convenable et elle aurait tout à gagner à le côtoyer même si elle a refusé l'avance, j'étais présent alors peut-être l'avait elle fait pour ne pas me mettre mal à l'aise, car je le vois bien, elle s'entend très bien avec lui.

Une fois cette histoire passée, un gnome survolté chercha à se battre contre un autre client et la Garde, encore une fois présente nous en a débarassé.

Ce soir j'espère que nous pourrons quitter plus tôt pour ainsi mieux nous retrouver, une pause indispensable dans cet océan déchaîné qu'est devenu ma vie.